Côté pile : compte rendu du 33ème Congrès de la CIB (Lausanne)

Article

JOUR 1

Le congrès annuel de la CIB rassemblait cette année près de 1.000 participants.

Organisé par le Barreau vaudois, ce succès de foule aurait pu réunir encore davantage de confrères. Lors de la séance d’accueil, plusieurs orateurs ont ainsi regretté que plus d’une centaine de visas aient été refusés aux intéressés, malgré l’intervention de l’Ordre des avocats vaudois et des autorités vaudoises.

M. le Bâtonnier Stanley Gaston (Haïti) et M. le Bâtonnier Jackson Francis Kamga Ngie (Cameroun) ont, en particulier, regretté les suspicions pesant sur certains (jeunes) avocats, alors même que leur présence se justifiait pleinement au regard de leur activité professionnelle. Je ne peux qu’appuyer ce propos après avoir appris que certains visas auraient été refusés au motif que « l’on ne voit pas pourquoi autant d’avocats auraient besoin de se former lors d’un même événement ».

M. le Bâtonnier Albert Nussbaumer (Suisse) n’a d’ailleurs pas manqué de nous rappeler que la lutte demeure, pour les avocats, d’actualité partout dans le monde. Tout comme pour la problématique de refus de visas, il voit une atteinte à la liberté de la profession dans un projet de loi destinée à lutter contre le blanchiment, actuellement étudié en Suisse.

En fin de matinée, la parole a été donnée aux invités d’honneur du Congrès.

M. Jacques de Watteville, ancien Secrétaire d’Etat et Président du Conseil d’administration de la Banque cantonale vaudoise, nous a fait part de son expérience passée, en démontrant l’importance d’un dialogue efficace.

Il m’aura personnellement appris, entre autres curiosités, que l’armée suisse est présente sur la ligne de démarcation entre les deux Corées depuis des dizaines d’années, afin de veiller au respect de l’accord de paix.

La parole a ensuite été donnée à M. Robert Badinter.

Robert Badinter

Est-il besoin de le présenter ?

Son intervention, même réalisée en duplex depuis Paris, nous a rappelé tant l’importance de l’art oratoire (qui fait partie intégrante de l’événement puisqu’il inclut un concours d’art oratoire) que l’importance pour chacun de s’engager. Appelant à la rédaction d’un véritable manifeste, R. Badinter a insisté sur la nécessité pour les Barreaux de s’entraider et de s’opposer à la persécution de certains avocats qui tentent simplement d’exercer leur mission. Cette assistance aux oppressés est posée comme une exigence éthique, applicable à chacun d’entre nous.

Croyez-moi, ce « petit jeune » est prêt à soulever des foules !

L’après-midi de cette première journée de congrès a été consacré à une introduction générale aux modes alternatifs de résolution des conflits, en droit privé et en droit public, ainsi qu’à la problématique de la justice transitionnelle.

Le Professeur Pierre Hazan, conseiller en matière de justice transitionnelle pour le centre de dialogue humanitaire (Suisse), nous a – en particulier – présenté un exposé engagé et engageant de cet ensemble de procédures et de mesures (judiciaires ou non) destiné à faciliter le passage de sociétés soumises à un régime autoritaire ou à un conflit armé à davantage de démocratie.

Pierre Hazan

La reconnaissance des victimes et de leur droit à la réparation constitue un des piliers de cette réflexion… Bien loin de la distinction qui nous est traditionnellement enseignée dès la première année des études de droit entre justice et équité.

 

JOUR 2

La matinée du jeudi 6 décembre a été largement consacrée à la Défense de la Défense.

Différents intervenants ont pu prendre la parole afin d’exposer un cas, une histoire, un destin particulier.

Ceux qui nous ont alors été présentés comme de « simples » confrères ne sont rien d’autre que des héros. Me limiter à un compte rendu minimaliste et par nature caricatural de leur destin serait leur faire injure. Je me tiens à la disposition de ceux d’entre vous qui le souhaitent pour évoquer les destins de Me Lydienne Yen Eyoum Loyse, emprisonnée de manière arbitraire durant plus de 6 ans au Cameroun, de M. le Bâtonnier du Gabon, dont le domicile a été mis à sac à plusieurs reprises et qui a su faire face à des militaires en armes pour déposer des recours, ou encore de Me Saïf-ul-Mulook, avocat pakistanais de Mme Asia Bibi, menacé de lynchage pour avoir permis sa libération après qu’elle a été condamnée à mort pour blasphème.

Cette matinée a été un grand moment d’émotion. N’oublions jamais que certains avocats dans le monde luttent au quotidien pour pouvoir exercer librement leur métier et parfois pour ensuite conserver la vie.

Lydienne Yen Eyoum Loyse

La suite de la journée était tout aussi intéressante, bien que consacrée à un autre registre d’interventions.

Aux côtés de Me Anne Reiser (Suisse), Me Nadine Kalamian (Bruxelles) nous a entretenus des modes alternatifs de résolution des conflits en droit de la famille. En écho aux propos tenus en matière de justice transitionnelle, elles ont insisté sur la nécessité de permettre aux parties de retrouver un climat serein au travers de la résolution du conflit à la base du litige.

L’après-midi était consacré à deux ateliers relatifs aux modes de résolution des conflits en droit des affaires ainsi qu’en droit du sport.

Me François Carrard, avocat au Barreau vaudois et ancien Directeur général du CIO, Me François Klein, avocat au Barreau de Paris, Me Matthieu Reeb, secrétaire général du Tribunal arbitral du Sport à Lausanne (le « TAS ») ainsi que le Professeur Denis Oswald, Vice-Président du CIO, nous ont présenté le fonctionnement du TAS, non sans provoquer quelques remous et nombre de questions dans l’assemblée.

Me Carrard n’a pas manqué de souligner l’intérêt de la procédure d’arbitrage devant le TAS, souvent imposée par les fédérations sportives internationales dans leurs règlements internes. Par le passé, il semblerait ainsi que certains juges saisis en référé soient en effet allés jusqu’à ordonner que les 5 dernières minutes d’un match soient rejouées. Dans le souci de respecter l’équité, le public aurait même été reconvoqué !

Droit du sport

Me Klein a, quant à lui, insisté sur la nécessité d’envisager la pratique en ayant à l’esprit tant les règles de procédure applicables que les règles du sport concerné.

La fin de la journée fut quelque peu agitée puisque les membres du panel ont rapidement été pris à partie par les membres de l’assemblée sur la question des émoluments dans le football et de la problématique du dopage, sans – à mon estime – apporter de réponse convaincante.

 

JOUR 3

La troisième et dernière journée du Congrès a été tout aussi riche.

Dans la matinée, nous avons abordé la problématique des modes alternatifs de résolution des conflits en droit pénal.

Si d’aucuns ont regretté l’absence de Me Eric Dupond-Moretti (France), ils ont rapidement été convaincus par la présentation de M. Antonio Buonatesta, Directeur de l’association Médiante (Belgique). Son plaidoyer pour la médiation pénale, fort abouti, ne doit toutefois pas faire oublier les mécanismes de transaction pénale, qui, eux aussi, sont inscrits dans le droit belge.

www.mediante.be

Notre pays semble considéré comme un pays à la pointe en matière de résolution « alternative » des conflits en droit pénal.

La fin de matinée a été consacrée au traditionnel et incontournable concours international d’art oratoire.

De jeunes talents se sont affrontés sur des thèmes imposés, donnant à chacun l’occasion de faire montre de toute leur imagination.

Je ne résiste pas au plaisir de vous citer ce passage, emprunté au concurrent de Lubumbashi : « J’ai fait un rêve... Oui, moi aussi ! Après tout, Martin Luther King n’a pas le monopole du sommeil ! ».

Gagnant incontesté et incontestable du concours, il a été ovationné par une foule convaincue.

A l’inverse, la prestation du Bâtonnier Marc Bonnant aura laissé sceptiques les moins féministes d’entre nous…

La journée s’est close par le livre blanc des jeunes avocats et l’assemblée générale de la CIB, avant une exceptionnelle soirée de gala organisée pour la clôture du congrès et les 120 ans de l’Ordre des avocats vaudois.

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***

A tous ceux qui auront eu le temps et le courage de me lire, sachez que le congrès annuel de la CIB constitue une expérience unique.

Il permet à des confrères de tous horizons de se rencontrer autour de sujets d’intérêt commun et de s’ouvrir aux pratiques du droit en vigueur ailleurs dans le monde.

Je vous invite dès lors tous cordialement à rejoindre la délégation liégeoise l’an prochain, au Tchad. J’invite également les plus jeunes de nos confrères à poser leur candidature pour le concours international d’art oratoire.

Pour rappel, la COMEX relaye chaque année l’invitation pour cet événement.

Guettez donc l’info-ordre !

 

Elisabeth Kiehl
Elisabeth Kiehl

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