Sylvie Dufranne

Interview

Que savez-vous de la plus ancienne des permanents du BAJ ? Oui, vous l’avez devinez, nous avons interviewé Sylvie Dufranne. Fan de Johnny Hallyday, sous une image de « blonde » se cache un petit bout de femme avec une certaine poigne, une rigueur qui parfois embête les avocats et une longévité au service de l’ordre et des justiciables à faire pâlir les plus anciens bâtonniers.   JPJ : Madame DUFRANNE, vous travaillez au B.A.J depuis 18 ans, quel constat avez-vous été amené à faire sur l’évolution du B.A.J au cours de cette période ?

SD : Il y a une évolution certaine. En ce qui concerne, d’abord, le nombre de désignations. On est passé de +/- 3.000 désignations au début des années 90 à plus de 20.000 désignations aujourd’hui. En ce qui concerne le nombre de rapports, il a augmenté très fortement aussi puisqu’on est  passé, au cours de la même période, de moins de 2.000 rapports à plus de 15.000 rapports à points aujourd’hui.  Bien évidemment, au niveau administratif, la gestion des désignations mais également des corrections a également subi un boom. De plus, la règlementation applicable est devenue de plus en plus spécifique et pointilleuse. Regardez par exemple la nomenclature et le mémorandum : ces deux documents ensemble comportent aujourd’hui 80 pages… Avec l’évolution également de la valeur du point, les contrôles sont devenus également plus sévères pour éviter les risques d’abus.   JPJ : Il semble qu’aujourd’hui encore, des difficultés récurrentes se manifestent lors des demandes de désignations ? Pourriez-vous nous en donner quelques exemples afin de rappeler aux avocats les erreurs à ne pas commettre? [adrotate group="3"]

SD : En ce qui concerne les demandes de désignations, la majorité des difficultés que nous rencontrons proviennent du fait que les demandes sont incomplètes (par exemple : pas de nom d’avocat, intervention vague ou non précisée). Souvent, ce sont les documents prouvant l’indigence qui sont incomplets, inadéquats ou périmés (composition ménage, justificatif de tous les membres du ménage, enfants majeurs, parts contributives, attestation de revenus ou extraits bancaires avec la bonne date mais relatifs à des revenus trop anciens, …) D’autres cas plus embêtants pour l’avocat est lorsqu’il introduit sa demande de désignation trop tard  c’est-à-dire plus d’un mois après la prestation réalisée. Enfin parfois, il faut constater un réel manque de suivi de la part de l’avocat suite au formulaire de retour que nous lui avons fait parvenir (l’avocat ne répond pas ou ne donne pas les documents demandés ou répond au-delà du délai d’un mois). Je sais que certains nous trouvent très exigeants avec les documents que nous réclamons pour faire une désignation ou pour valider un rapport. Je voudrais leur dire que, si nous sommes exigeants, ce n'est pas pour embêter l'avocat mais pour avoir des dossiers "en béton" notamment dans la perspective des contrôles croisés. En définitive, et l’avocat l’oublie parfois, notre sévérité vise à assurer à l'avocat qu’il reçoive bien l'indemnisation qui lui est due.

JPJ : Des difficultés existent aussi en ce qui concerne les rapports de clôture… SD : En effet, depuis le passage à l’encodage en ligne, nous constatons que certains dossiers électroniques sont vides ou bien le rapport désignation et/ou le rapport prestation se trouve  dans un dossier électronique relatif à un autre dossier. D’un point de vue purement formel, des petits détails compliquent énormément la tâche des correcteurs. Ainsi, le fait de scanner les documents à l’envers, d’oublier de scanner la désignation, les documents d’indigence ou bien, ici encore, les documents d’indigence sont incomplets ou inadéquats. Certains adressent par fax au Bureau d’Aide Juridique les documents manquants et réclamés sur le « Front » ou bien me répondent par mail personnellement au lieu de répondre aux messages des correcteurs du « Front ». Il faut malheureusement encore rappeler qu’on ne peut plus clôturer, en principe, des rapports en version papier et certainement pas remettre un rapport papier et encoder en même temps sur le « Front ». Un autre « classique » concerne les désignations d’avocats dans le cadre d’une procédure « 216quater ». Nombre d’avocats ne savent pas que la règle a changé et que même s’il s’agit d’une désignation d’office, il faut vérifier l’indigence du justiciable avant d’intervenir. Ainsi, si l’avocat ne peut apporter la preuve que son client est bien dans les conditions pour bénéficier de l’aide juridique de deuxième ligne entièrement ou partiellement gratuite, il réalise ses prestations et ne peut être indemnisé à la clôture de son rapport. La pratique démontre cependant que beaucoup d’avocats remettent un rapport et demandent des points à la clôture de leur dossier sans produire les preuves de l’indigence de leur client. Ils ne peuvent alors être indemnisés et souvent, lorsque cela est constaté, ils n’ont plus de nouvelle de leur client ou celui-ci n’a plus les preuves de ce qu’à l’époque de l’intervention de l’avocat, il était en droit de bénéficier de l’aide juridique de deuxième ligne entièrement ou partiellement gratuite.

JPJ : En ce qui concerne les permanences, vous relevez aussi certains problèmes… SD : C’est un problème récurrent qui met en cause la crédibilité du Barreau à assurer des permanences juridiques de qualité. En effet, l’image du Barreau est désastreuse lorsqu’un justiciable attend plus d’une heure avant le début de la permanence pour rencontrer un avocat et qu’une heure après l’heure de la permanence, l’avocat n’est toujours pas là et… ne se présentera pas. Si je peux concevoir que l’emploi du temps des avocats est souvent bousculé, nous prenons la peine de les avertir bien à l’avance du jour de leur permanence. Le rôle est envoyé avec suffisamment de temps pour permettre à chacun de s’organiser. Malheureusement, certains avocats sont absents de leur permanence et ne se soucient pas de se faire remplacer. Parfois, ils préviennent le matin qu’ils ne pourront pas assurer leur permanence. La règle est cependant claire : l’avocat qui ne peut assurer une permanence doit lui-même pourvoir à son remplacement. Trop souvent, l’avocat de permanence compte sur les employés du B.A.J. pour qu’ils trouvent, à leur place, un remplaçant… Le temps perdu à chercher un confrère qui accepte au pied levé de remplacer un autre est du temps qu’on ne peut consacrer aux désignations parfois très urgentes qu’attendent les autres avocats. Il faut cependant souligner que ces problèmes ne concernent que certains avocats (souvent les mêmes d’ailleurs) et qu’ils restent assez peu fréquents au regard de l’ensemble des permanences réalisées que ce soit de première ou de deuxième ligne.   JPJ : Certains confrères se plaignent de ne plus être désignés par le B.A.J comme c’était le cas auparavant, quelle explication avez-vous à donner à ce constat ?

SD : Le constat est certain mais, contrairement à ce que certains croient, ce n’est pas parce que certains avocats sont plus désignés que d’autres.  En effet, il faut savoir qu’aujourd’hui, plus de 690 avocats sont volontaires dans l’aide juridique. En 2001, ils étaient moins de 500. En outre, aujourd’hui, de plus en plus d’avocats sont directement consultés par des justiciables. L’avocat sollicite alors sa désignation en écrivant au B.A.J.  Nous avons d’ailleurs, vu l’augmentation de ce type de demande de désignation, créé une permanence d’avocats qui ne font que d’encoder les demandes de désignation adressées  par les confrères directement au B.A.J. Ceci explique qu’il y ait beaucoup moins de désignations à distribuer et donc d’avocats désignés par le B.A.J. directement. En ce qui concerne les désignations d’office, le nombre est relativement constant ces dernières années. Par contre, le nombre d’avocats volontaires pour les désignations d’office a augmenté de façon significative de sorte que là aussi, il y a moins de désignations à distribuer. La conséquence immédiate est que des avocats ne reçoivent que très peu de désignations par rapport à leur quota voire n’en reçoivent pas du tout. Jean-Pierre Jacques [adrotate group="3"]      

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