L’avocat demain : Droit de réponse de Maître Patrick Henry !

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La dernière Tribune d’AVOCATS.BE a publié une carte blanche de Maître Cécile Dascotte, qui nous mettait en cause, Maître Patrick Hofströssler et moi-même, d'une façon, disons, assez violente. Parallèlement, quelques avocats ont initié une pétition pour contester, à l'avance, et à nouveau en termes très critiques, le futur rapport sur l'avenir de la profession d'avocat que Monsieur le ministre de la Justice Koen Geens nous a confié le soin de rédiger. Dans la Tribune du 2 novembre 2017, je répondrai à ces critiques, qui porte essentiellement sur la façon dont nous avons été investis de cette mission et sur la façon dont nous la menons. Dans ce petit article, je préfère me concentrer sur quelques-unes des propositions sur lesquelles nous travaillons.

Patrick Henry carré

L’avocat demain : plus performant, plus divers, plus spécialisé, plus multi-professionnel ?

Notre société est de plus en plus juridique. Le droit s’insinue aujourd’hui partout, même au sein des familles, même au sein des entreprises, même dans nos loisirs. Il n’y a plus que nos rêves qui échappent à la régulation. Et pourtant, le contentieux diminue. Ce n'est pas exclusivement parce que plusieurs réformes (droits d’inscription au rôle, mais, surtout évidemment, T.V.A.) ont renchéri l'accès à la justice. C'est aussi parce que notre rapport au droit change, que notre société change. Comme le démontre remarquablement Kami Haeri dans son rapport (pp. 53-58), notre économie est aujourd’hui caractérisée par un processus de désintermédiation / réintermédiation / concentration.

Le modèle Ryanair supplante le modèle Kodak. Il n'y a pas à dire que l'on aime ou que l'on n’aime pas. C'est ainsi.

Ceux que l’on appelle les « braconniers du droit », c’est-à-dire les start-up legaltech, utilisent les ressources de la technique moderne pour atteindre directement nos clients, leur offrir des produits standardisés à bas coût, puis se poser en intermédiaires pour les diriger vers des professionnels dont ils se sont attachés les services et leur offrir un service global : désintermédiaition – réintermédiation – concentration…

Si nous voulons que les avocats gardent leur place de régulateurs de notre société, nous devons nous y adapter. Nous étions des défenseurs, nous sommes devenus des conseils, nous devons devenir des accompagnateurs stratégiques. C'est ce que les clients (que nous entendons dans le cadre de la préparation de notre plan) attendent aujourd'hui de nous. Ecoutons-les. La profession d’avocat de demain ne doit pas être dessinée selon nos souhaits mais selon ce que nos clients attendent de nous.

Et être conscients que nous sommes devenus trop chers (tout simplement parce que le droit est devenu extraordinairement compliqué).

Notre mission a évidemment ses limites. Il nous est demandé de proposer quelques changements législatifs. C’est dire que nous pouvons seulement faire sauter quelques verrous et puis vous rendre la main, à vous et aux Ordres.

Parmi les propositions que nous ferons, certaines toucheront à la gouvernance de notre profession (la rendre plus efficace, plus représentative, plus légitime, plus proche, plus féminine ?), à notre discipline (corriger quelques erreurs techniques, améliorer l’efficacité) ou à la formation initiale (la rendre plus performante, plus exigeante, plus appropriée). D’autres toucheront directement nos possibilités d’actions :

–        simplifier et réduire notre régime d'incompatibilités : aujourd’hui, notre profession est incompatible avec celles de magistrat ou de fonctionnaire, ainsi qu’avec celles de notaire et d’huissier, ou avec toute activités d’industrie ou de négoce ; si l’incompatibilité avec la magistrature ou le fonctionnariat ne souffre pas de discussion, les autres sont plus discutable ; supprimer l’incompatibilité avec les professions de notaire et d’huissier ouvrirait la voie à une grande profession du droit, dans un premier temps à des associations avocats – notaires – huissiers, à même d’offrir un service plus global à la clientèle ; supprimer l’incompatibilité avec les activités d’industrie ou de négoce permettrait à nos Ordres de définir de nouvelles conditions nous permettant de rendre le métier d’avocat compatible avec certaines autres fonctions qui se combinent souvent mal avec nos devoirs d’indépendance ou de respect du secret professionnel ou de la prohibition des conflits d’intérêts : compliance officer, data controller, avocat en entreprise, gestionnaire de whistle blowing, lobbyiste, syndic d’immeubles, agent d’artistes ou de sportifs …

–        augmenter la mobilité au sein de notre profession et sa perméabilité avec le monde extérieur ; dans cette perspective l’obligation pour les stagiaires qui ont quitté le barreau avant la fin de leur stage de le reprendre à zéro s’ils se réinscrivent ne doit-elle pas être supprimée ?

–        donner force exécutoire à l'acte d'avocat ;

–        augmenter le rôle de l'avocat dans les actions collectives, en lui permettant d’en être l’initiateur (faut-il, dans ce cadre, supprimer la prohibition du pacte de quota litis ? A priori, je n’y suis pas favorable) ;

–        permettre une totale contractualisation de nos honoraires, dans le respect, évidemment, des principes du droit économique et des principes de dignité, de modération et de délicatesse qui caractérisent notre profession : est-il encore justifié, à l’heure où, en tant qu’entreprise, nous sommes entièrement soumis au Code de droit économique, que les conseils de l’Ordre puissent modérer des honoraires que nous avons entièrement convenus avec nos clients, dans le respect le plus strict de nos obligations d’information et de transparence ?

–        envisager la possibilité d'inscrire des sociétés d'avocats, à responsabilité limitée donc, au tableau de l'Ordre, comme les architectes peuvent le faire depuis plusieurs années déjà ;

–        encourager par des moyens financiers adéquats (incitants fiscaux, tax shelter ?) les investissements des avocats dans le développement des technologies nouvelles ;

–        tenter l'expérience d'avocat bajistes à l'abonnement, acceptant de gérer un certain nombre de dossiers pour un honoraire fixe, par exemple dans les domaines du droit des étrangers ou du droit des jeunes ;

Voici quelques-unes de nos propositions. Elles feront l’objet du débat que nous mènerons avec vos bâtonniers et présidents de jeune barreau le 16 novembre. Il n’est cependant pas question de vous en exclure. Communiquez avec eux et communiquez avec nous (une adresse spéciale est destinée à la réception de vos suggestions : avocatdemain@just.fgov.be ).

Esquissons ensemble l’avocat de demain. Il devra être plus performant et plus connecté, plus spécialisé et plus divers, plus multi-professionnel, plus proche de son client, plus imaginatif, plus innovant. Ouvrons les portes, avec prudence mais avec détermination.

 

#Agissons.

Patrick Henry

P. Henry 271x180 rectangle

 

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