La force des réseaux sociaux

Editorial

"Cette photo m'a sauvé la vie". C'est en ces termes que s'exprimait la survivante des attentats du 22 mars à Zaventem, Nidhi Chaphekar. Elle est une hôtesse de l'air indienne âgée de 42 ans et mère de deux enfants. Une famille qu'elle a retrouvée le 5 mai dernier à Mumbai. "Cette photo m'a finalement sauvé la vie", confie-t-elle. "Des gens du monde entier m'ont apporté du courage dans les moments difficiles. Ce n'est certainement pas la plus belle photo de moi mais des milliers de personnes ont prié pour moi. Cela m'a donné beaucoup de force", poursuit Nidhi Chaphekar.

Alors que d'autres victimes sont toujours hospitalisées, Nidhin Chaphekar a survécu notamment grâce à la vitalité de sa photo sur les réseaux sociaux. C'est dire la force que ceux-ci peuvent avoir pour faire bouger les lignes. En bien. En mal. Marion âgée de 13 ans en 2013 en France, Laura âgée de 12 ans en 2015 à Durbuy, Madison âgée de 13 ans en 2016 à Herstal ont toutes les trois mis fin à leurs jours, victimes de cyber-harcèlement. Et combien d'autres ?

Par cyber-harcèlement, on entend toutes les formes de harcèlement qui font appel aux technologies de l'information et de la communication telles qu'Internet, le GSM ou l'ordinateur, pour importuner, menacer ou insulter les victimes. Des insultes ou des menaces peuvent ainsi être envoyées par SMS, de même que des photos gênantes postées sur les réseaux sociaux. Les technologies en ligne ouvrent également diverses possibilités de harcèlement : voler un mot de passe et accéder ainsi au compte de quelqu'un afin d'en bloquer l'accès ou envoyer des messages insultants en son nom, pirater un compte et y voler des informations personnelles, harceler via Facebook,  créer un site ou un blog comportant un contenu blessant et des photos de la victime... Les possibilités sont légions pour quiconque est un tant soit peu habile dans le maniement de ces technologies. Selon Child Focus, une étude récente démontre qu'environ 20 % des jeunes ont déjà été victimes de harcèlement. Il s'agit souvent de harcèlement « classique », mais force est de constater que de plus en plus d'enfants sont aussi victimes de cyber-harcèlement. Pour l'instant, un jeune sur dix serait confronté au cyber-harcèlement (et même un jeune sur six -16,4%- d'après la Ligue des Familles). Nombreux sont ceux qui en souffriraient même quotidiennement ou très régulièrement. Il existe en outre une étroite corrélation entre le cyber-harcèlement et harcèlement classique : le premier est la prolongation du deuxième par le biais des médias. Harceleurs et harcelés conservent souvent leur rôle respectif.

Les nouvelles technologies apportent ainsi un flot d'avantages mais de désastres humains aussi. Et force est de constater qu'ici aussi, lorsqu'il s'agit de drames humanitaires, l'égalité ne prévaut pas toujours. La théorie du mort kilométrique trouve ici ses plus fervents défenseurs là où les indignations sélectives laissent de trop nombreuses victimes dans l'invisible désert médiatique. Au Niger justement, dans le désert, 34 migrants dont 20 enfants ont été retrouvés morts abandonnés par les passeurs durant la semaine du 6 au 12 juin dernier.

En avril 2015, une liste de 100 mètres de long comprenant le nom de 17306 personnes noyées en tentant de migrer a été déposée au sol pour que les députés européens soient obligés de marcher dessus en entrant au parlement. Depuis cette date, c'est sans doute une deuxième voire une troisième liste qui aurait pu être déposée. Le 5 juin dernier, les corps de 132 migrants ont été retrouvés près de Zouara, une ville portuaire de l'ouest de la Libye. Les passeurs de migrants clandestins profitent du chaos qui règne en Libye depuis la révolte populaire qui a renversé le régime du dictateur Mouammar Kadhafi en 2011. La plupart des départs ont lieu depuis l'ouest du pays, à destination de l'Italie qui n'est qu'à 300 km. Selon des chiffres du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) arrêtés au 25 mai, quelque 37 785 migrants sont arrivés en Italie depuis le début de l'année, en grande partie depuis la route libyenne, la principale depuis que celle des Balkans est fermée.

Alors que l'information circule, que les médias en parlent, que les organisations humanitaires dénoncent l'impunité qui règne dans cette tragédie humaine, le spectateur se sent impuissant et assiste derrière son écran à cette accumulation de chiffres dont la signification s'amenuise au fur et à mesure que le chiffre est grand et qu'il est éloigné.

C'est une réalité contre laquelle j'ai tenté, durant ces 5 ans en tant que rédacteur en chef de cette revue en ligne, de lutter. Quand le passage de la revue papier à la revue en ligne a été décidé et que le Bâtonnier Lemmens m'a confié la tâche d'assurer la fonction de rédacteur en chef, j'ai trouvé le pari audacieux et le défi intéressant. La même confiance m'a été réitérée par le Bâtonnier Renette. Outre une indépendance totale dans la ligne éditoriale, j'ai pu, tout au long de ces 15 numéros, bénéficier d'un soutien sans réserve de leur part. Qu'ils en soient remerciés. Il est temps de passer la main. De céder le flambeau. De donner le relais à mon successeur. Être la vitrine du barreau de Liège, tenter de refléter sa diversité et la richesse de ses membres, montrer que le barreau de Liège est ouvert sur sa cité, sur sa province, son pays et à l'international ont été pour moi, à travers cette revue, d'un enrichissement humain extraordinaire.

Bon vent à l'Open Barreau.

UCM-estivaleJean-Pierre JACQUES,

rédacteur en chef.

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