Portraits d'avocats du vieux Palais de Liège

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[caption id="attachment_3688" align="aligncenter" width="300"] "Le ci-devant paysage judiciaire liégeois" Tableau attribué à Théodore VAN DER SCHUUR, de LA HAYE (1628-1707)[/caption] L'histoire du barreau saurait nous occuper Au long de vers sans fin qui vous fatigueraient. Néanmoins qui pourrait ne pas citer ici Ce plaideur de génie que fut Giafferi ? Suggérant à ses juges, au public, aux jurés Que des proies de Landru étaient juste à côté, Il fit tourner les têtes sauf une, l'assassine, Qui finit en roulant dessous la guillotine. Le doute est si ténu que s'il peut profiter Ce n'est pas en faveur de tous les accusés. Nous en avons connu d'autres plaideurs, liégeois, Capables de moucher tant les faits que le droit. Théo savait ainsi vous faire basculer Au pied des contestants tous ses codes Larcier. Profitant du moment propice à la surprise Il en interloquait à ce point que l'on dise Que son pauvre client n'était finalement Que le jouet du sort ou de ses expédients. Tel spectacle serait aujourd'hui dénoncé : L'avocat-cinéma peut paraître suspect. C'était pourtant l'audace et bien plus savoureux Que le catimini des plaideurs trop frileux. Paul avait une classe et ce côté "geheim" Le port et la raideur d'un Eric von Stroheim. Ses costumes anglais lui seyaient à merveille Et flattaient sa tenue à nulle autre pareille. Quand il argumentait en gutturant ses mots On s'inquiétait à croire qu'il serait un kapo. Or sa persuasion était à la hauteur Du style noble et dur qui lui faisait honneur. Sans faire le dandy sachez vous habiller : Qu'au parquet de la cour ne jurent vos souliers. Marcel portait la toque au petit déjeuner. Il avait quelque chose d'un lavis de Daumier. Redoutable plaideur, maître dans le divorce, Il l'emportait toujours avec autant de force Que le poids de celui qui vous anéantit Ecrase et déconfit le corps de son ennemi. Il en pouvait pourtant nous consoler de perdre ; Alors il consentait d'à nouveau lui soumettre Tous ceux des arguments que nous avions plaidés Et dont aucun ne fut couronné de succès. Le fin nez du plaideur flaire à plus de cent lieues L'âpre humeur du perdant qui se bat comme il peut. Bob ne plaidait jamais pour moins de dix millions. A l'écouter s'épandre en exagérations Un stagiaire novice eût cru que l'on pouvait Réussir au barreau rien qu'en battant monnaie. Mais nul ne put savoir si notre ami comptait Ou s'il se rengorgeait de ce qu'il escomptait. Il n'est certes pas rare que même en ce palais On prenne ses désirs pour des réalités. Tantôt dedans ses murs et souvent à grand bruit Des avocats se vantent en vain d'être nantis. [caption id="attachment_3692" align="aligncenter" width="300"] Me Bastjaens en Cour d'assises[/caption] Quels que soient ces travers de mâles vanités Avez-vous observé qu'à force de rimer Nous avons jusqu'ici négligé d'entreprendre De la féminité les malicieux méandres ? S'il est très délicat d'évoquer des consœurs D'autant que ce doit être en tout bien tout honneur, Requérons du lecteur qu'il soit fort indulgent Au cas où ce qui suit serait inconvenant. Germaine la première en une seule audience Sut donner aux divorces une folle cadence. Elle en plaidait cinquante et même plus de cent Tantôt pour le mari, l'épouse ou leurs amants. Elle vous descendait ses piles de dossiers Jusqu'à se demander pourquoi se marier. Elle était la rupture et ses rudes sanctions Dont la pire entre toutes était une pension. Par ses soins, un banal secours alimentaire Devenait une rente, une ruine, un enfer. D'avoir subi sa loi des conjoints infidèles Regrettent encore la paix d'un pâle époux modèle. Les profils de Fernande égaraient le regard. Rodin l'aurait sculptée en marbre de Carrare. Aucun ne se souvient de ce qu'elle plaidait Tant les bouches étaient bées devant de tels attraits. Silhouette hautaine et chignon de geisha La belle vous allait, sûre de ces mots-là Convaincre par les formes en toute honnêteté Substituant aux codes ces canons de beauté Ces dons que la nature incite un tribunal A rendre ses hommages aux dames sculpturales. Simone trottinait, mallette et sac à main Vaquant de salle en salle dès tout petit matin. Son rouge à lèvres outré flambait comme un soleil Jusqu'au coeur des brillants de ses boucles d'oreilles. Ce tralala cachait cette ténacité D'une avocate Maître en efficacité. La parure à flatter les femmes avocats Pouvait être un écueil qu'on ne redoutait pas. Il faut s'en arranger : c'était une autre époque ; Qui ferait de nos jours embarras des breloques ? Suzanne les portait mieux qu'une Samothrace Dont la fière crinière eût retrouvé sa place Au-dessus d'un garrot à ce point conséquent Qu'il vous désarçonnait juges et contestants. Des étalons pur-sang aux rosses du sérail Tous tombaient sous les coups du terrible attirail. Promue magistrat, ce fut l'assassinat De nombreux prétendants au titre d'avocat. Elle savait les tourner tellement en ridicule Que bien peu n'en ont pris que pour leurs matricules. Justice, préférant le glaive à la balance Peut trancher d'un plaideur les viriles avances. Françoise, c'est sa voix dont certes me souviens Un piège rauque et grave, un registre félin. Toujours très en retard, intouchable et très prise, Occupée à traiter tant d'autres vocalises D'un air bien entendu son timbre l'emportait Sur ceux dont le propos en devenait épais. Elle se les promenait en badines ballades Où tournent triolets, rondeaux et mascarades. C'était mieux qu'en ces bals rusés du dix-huitième Où les masques et les loups s'abuseraient eux-mêmes. A garder ses distances la femme est adorable. Il est présomptueux de la croire abordable. Me Corneille Bastjaens Me Corneille Bastjaens

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