La loi de la rue, la loi des urnes et la loi tout court

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 width=Ça y est, ils l’ont fait, ils ont récidivé. Qui « ils » ? Nos politiciens, bien sûr…

Bon, ce n’est pas forcément (tous) les mêmes qu’avant, puisqu’ils changent au fil des saisons et des élections, mais vu du côté du citoyen, c’est du pareil au même.

Mais qu’ont-ils donc pu faire d’aussi grave ? Suis-je en train de vilipender nos dirigeants comme le citoyen (encore lui) se plait à le faire sur les forums, blogs et autres média sociaux, défouloirs modernes de la minorité non silencieuse ? Tous pourris, alors ?...

N’allons pas jusque-là. J’écris ces lignes peu de temps après que le gouvernement nous ait annoncé une réforme rapide et efficace de la libération conditionnelle, ce qui amène déjà à s’interroger sur l’existence d’un réel besoin d’agir ainsi. Mais ce qui interpelle surtout, c’est le contexte de cette déclaration.

Le politicien se doit certes d’être à l’écoute de son peuple (ou Peuple, c’est selon), mais sa capacité d’écoute dépend de plus en plus de la force – pas toujours subtile – avec laquelle tel individu ou groupe pourra s’exprimer, notamment via les nouveaux instruments de communications (cf. les forums et autres lieux où l’on résonne sans raisonner, déjà évoqués plus haut), mais également du nombre de jours qui nous séparent des prochaines élections (sans distinction, puisque tous les niveaux de pouvoir sont en ébullition plusieurs mois avant chaque scrutin, autrement dit en Belgique : en permanence).

Ce qui frappe ici, après la déferlante de haine (parfois argumentée, souvent gratuite) faisant suite à la libération conditionnelle de Michelle Martin, c’est la rapidité de la réponse politique pour traiter un sujet polémique depuis toujours et pour lequel plusieurs réformes avaient permis, mais ceci n’engage que moi, d’assurer à l’édifice stabilité et cohérence.

La création des Tribunaux d’Application des Peines, pour ne citer que ce point, avait certes été accompagnée d’un inévitable problème pratique d’engorgement vu l’automaticité de la fixation des dossiers des détenus qui étaient dans les conditions de temps pour bénéficier d’une mesure d’élargissement, même ceux qui comptaient profiter de leur séjour carcéral jusqu’au bout, mais ce problème avait pu être amorti au fil du temps.

Et voilà que l’on nous annonce que maintenant (enfin : « avant la fin de l’année »), on retourne en arrière : plus rien n’est automatique, le détenu devra donc à nouveau être proactif.

Ce n’est certes pas le point le plus discutable de ce projet, mais il me semble symptomatique des errements populo-législatifs que nous connaissons.

Autre blitzkrieg menée en la matière par notre gouvernement, ou plutôt notre conseil des ministres, voire en fait simplement notre kern (pas le temps de réunir tout le monde, sans doute) : l’allongement sensible des délais avant lesquels les condamnés à des peines « lourdes » ou récidivistes pourront solliciter une libération conditionnelle.

Et dire que l’on essaye depuis des années d’introduire les peines incompressibles dans notre droit. A ce rythme-là, cela deviendra sans doute inutile…

Même les membres du Tribunal apparaissent suspects, puisque dans certains cas (c'est-à-dire les cas les plus graves, comprenez par-là « les cas les plus médiatiques ») ils devront statuer à l’unanimité.

Soit, arrêtons là de décortiquer ce qui n’est encore qu’une annonce (mais pas juste « un effet d’annonce », notre Premier Ministre nous l’a promis…) et attendons la suite.

Nous avons toutefois des craintes, dès lors qu’à un mois des élections, nous apprenons que notre détenu le plus haï (l’ex-mari de la précitée) envisage à son tour de voir si l’air est plus pur en dehors des prisons, en sollicitant une surveillance électronique.

Nul doute que les réactions populaires à ce sujet entraîneront à nouveau des réactions politiques…

Rappelons simplement à qui veut l’entendre (mais qui veut l’entendre ?) que ces lois « de circonstance », que nous connaissons (songeons notamment à l’allongement des délais de prescription pour tenter de « sauver » l’enquête sur les tueries du Brabant) s’appliqueront à toutes les affaires, et pas seulement à l’infime pourcentage de dossiers ayant fait du bruit dans la presse.

Mais l’électeur s’en soucie-t-il ?

Et puisque nous parlons de bracelet électronique, pourquoi ne pas aussi aborder ce nouveau projet de notre Ministre-candidate-bourgmestre, à savoir la détention à domicile des personnes condamnées à des courtes peines ?

Soyons de bon compte : il ne s’agit pas ici d’un projet « éclair » comme le précédent, mais d’un système que l’on nous a annoncé il y a plusieurs mois.

Assez logique, en fait : peu de dossiers médiatiques amènent à des peines de moins de 6 mois de prison, non exécutées depuis bien longtemps sur la base d’une circulaire ministérielle bien connue des praticiens et – surtout – des petits délinquants.

Tout part pourtant de critiques émises de plus en plus bruyamment par la population : ceux qui crient que « perpète, c’est logé, nourri et blanchi pendant dix ans et puis dehors » n’hésitent pas non plus à souligner que beaucoup  d’auteurs de délits « ne sont jamais sanctionnés » puisqu’ils ne mettent pas un pied en prison.

C’est une manière simpliste de voir les choses, mais elle est compréhensible.

Ce qui me heurte toutefois ici, c’est la manière dont on nous « vend » ce produit révolutionnaire, en insistant sur les coûts réduits de cette mesure, sans trop rappeler que ce qui coûtera à l’avenir (contrôle de la présence chez eux des « surveillés » aux heures requises) ne coûte pas un centime à l’heure actuelle puisque les « petits condamnés » n’ont aucune règle à respecter.

A une époque où le moindre centime est difficile à trouver, et sachant que la surveillance électronique rencontre déjà des problèmes d’effectifs et de moyens, peut-être faut-il se poser la question de la priorité de ce projet sur, par exemple et au hasard, le refinancement de l’aide juridique ou l’informatisation de la justice…

Mais ne soyons pas dupes : ce projet doit avoir rapporté plus de voix à la Ministre que ce que n’a pu lui en faire perdre la grève du pro deo menée par les avocats il y a peu…

Et notre Elio national, dont les ambitions maïorales ont connu un autre bonheur que celles de sa Garde des Sceaux, sait également que l’électeur communal lui a été reconnaissant de l’écoute qu’il a pu apporter aux revendications populaires, même celles qui n’ont aucun lien avec la Ville de Mons.

Électeurs, électrices, sachez-le : la campagne pour 2014 est déjà lancée !

Jean-François DISTER

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