"C'était demain", le nouvel ouvrage de Jean-Marc Rigaux

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 width=Il n’est pas aisé pour un avocat de rédiger des histoires imaginaires alors que notre quotidien immédiat nous contraint à recourir à une écriture automatisée, presqu’aliénante où nous articulons des phrases gorgées d’adverbes superlatifs et d’impératifs formalistes. L’emportement et le ton comminatoire convient mal au recul que requiert l’écriture romanesque. Il fut pourtant un temps où les avocats étaient d’âpres lecteurs tandis que leurs rangs regorgeaient de candidats romanciers dont parfois certains parvinrent à se faire un nom.

Me Jean-Marc Rigaux a toujours aimé la lecture dont celle de Marcel Aymé et, très tôt, il a été tenté par l’écriture. « Adolescent, j’écrivais déjà des histoires auxquelles je donnais des titres comiques ou absurdes. Le métier d’avocat m’a pris trop de temps pour que je puisse continuer. Vers la quarantaine, ça m’a repris. Cette reprise correspond à une période où j’ai dû mettre un frein à mes activités sportives (ndlr : amateur de marathons, il dû suspendre ses courses du fait d’une blessure.) Je me suis retrouvé tout d’un coup avec un trop plein d’énergie. Je me suis donc tourné vers cette première passion de jeunesse. »

Après avoir tenté l’écriture d’un roman qui restera à jamais inachevé et remisé dans le fond d’un tiroir, Jean-Marc Rigaux s’est laissé séduire par la nouvelle. Il en a d’abord écrit une trentaine pour en sélectionner au final une grosse dizaine, onze exactement. Il les a ensuite données pour relecture au seul véritable écrivain que compte notre barreau, Me René Swennen (on renverra les plus jeunes à la lecture de son roman ‘Les trois frères’, prix Rossel 1987), dont le jugement impartial et avisé l’a encouragé à continuer et à peaufiner son écriture. « J’ai envoyé mes manuscrits à bon nombre de maisons d’édition dont certaines à Paris mais je n’ai obtenu qu’une seule réponse et encore, elle était négative ! Je me suis ensuite tourné vers notre ancienne consœur, Françoise Salmon, qui, ayant arrêté le barreau, venait d’ouvrir une maison d’édition. Françoise a lu ces histoires qui lui ont plu et m’a demandé de retravaillé certaines choses. Son travail a été important car il m’a permis d’avoir un regard extérieur constructif. Depuis lors, j’ai écrit un nouveau roman qui doit encore être relu »

"C’était demain" est aujourd’hui sous presse et devrait en principe sortir à la mi-octobre. Le livre compile onze nouvelles qui ont pour cadre Paris dont Jean-Marc est à la fois amateur et fin connaisseur. Le tour de la ville est complet. On passe de Saint-Germain à la rue Mouffetard en circulant par le rue des Pyrénées, Boulogne-Billancourt, la station de métro Mabillon pour se retrouver au pied de Notre-Dame contemplant ses gargouilles. Il est question de personnages à la fois ordinaires qui prennent le rôle d’un scientifique, un prof, un éclairagiste cinéma… mais qui sont aussi promis à des destinées extraordinaires telle celle de ce curé qui se révèle visité par l’éternité ou par ce médecin qui se glisse subrepticement dans la peau de se patients. Presque inévitablement, la nouvelle éponyme, placée en fin du recueil, met en scène un avocat inquiet et inquiété, frappé par des trous de mémoire tout en se retrouvant soudainement doté d’un étrange don de vision du futur. Tout au long de ces histoires, le passé et l’avenir se jouent l’un de l’autre pour mieux semer les pistes d’identités qui se cherchent ou se questionnent. "C’était demain" se laisse lire avec facilité et ne demande pas d’effort de concentration particulier. Chaque nouvelle se lira de préférence en attendant son tour aux audiences, à la faveur d’un temps de pause, le temps de sortir en pensée des murs du palais et de nos certitudes.

Eric Therer

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