10 questions pour un champion !

Interview

JPJ: Vous avez été administrateur à l’OBFG, pourriez-vous nous rappeler en quoi consiste exactement cette fonction ?

PH: L’Ordre des barreaux francophones et germanophone regroupe et coordonne l’action des 14 barreaux du sud du pays ; il a un homologue au nord : l’Orde van Vlaamse Balies. Les compétences de ces deux Ordres communautaires sont définies par les articles 488 et suivants  du Code judiciaire.

L’organe décisionnel de l’OBFG est son assemblée générale composée des quatorze bâtonniers du ressort.

Le conseil d’administration a pour mission de préparer le travail de l’assemblée et d’assurer l’exécution de ses décisions. Il est composé de neuf membres, élus par l’assemblée générale, sur présentation des Ordres. J’ai siégé en son sein pendant quatre ans.

Le conseil se réunit en principe une fois par semaine, le lundi après-midi et ses réunions durent généralement quelque cinq heures…  Ses ordres du jour sont particulièrement chargés et ne sont pas toujours épuisés, au contraire des administrateurs. La gestion au  quotidien d’une profession aussi diverse que l’est le Barreau à l’heure actuelle n’est pas une sinécure, les défis sont nombreux, la concurrence se fait rude, le monde du droit et de la justice est de plus en plus complexe..

Chaque administrateur a la responsabilité de plusieurs départements : personnellement, j’étais essentiellement en charge de la déontologie, des formations initiale et continue ainsi que du patronat et du stage. J’ai en outre été amené à œuvrer à d’autres sujets tels que la réforme du paysage judiciaire ou la fusion des Ordres…

JPJ: Quelles ont été vos motivations à exercer cette fonction ?

PH: Au long de ma carrière, j’ai été amené (un peu par hasard à l’origine) à m’intéresser au fonctionnement et à l’organisation de ma profession.  Ainsi, après avoir été orateur de rentrée puis président du Jeune Barreau, je suis entré au conseil de l’Ordre (où j’ai siégé à six reprises). J’ai présidé la commission jeunesse, puis la commission du patronat et du stage et enfin la commission de déontologie. Le mandat à l’OBFG constituait, pour moi, le prolongement naturel de cette action.

J’aime cette profession et j’ai souhaité m’investir dans ses structures et œuvrer à son organisation et à sa défense.

Si la fonction de bâtonnier est une fonction visible, connue de tous les confrères et dont on garde le titre à vie, celle d’administrateur de l’OBFG est méconnue. Donc, clairement, au titre de mes motivations ne figurait pas le souci d’occuper un poste en vue…

JPJ: Quelles étaient vos objectifs en commençant votre mandat ? Ont-ils été atteints ?

PH: J’ai eu la chance de me voir confier les départements qui m’intéressaient le plus : la déontologie et la formation.

Pour ce qui est de la déontologie, j’avais travaillé, sous la houlette de Pierre CORVILAIN d’une part à la révision de l’ensemble des règlements pris à l’époque par l’Ordre national et d’autre part à la conception d’un certain nombre de nouveaux règlements que l’évolution de la profession rendait nécessaires

Lorsque j’ai succédé à Pierre CORVILAIN à la présidence de la commission déontologie de l’OBFG, mon objectif était de poursuivre son action ; j’espère avoir apporté quelques pierres à l’édifice.

Ce dont je suis particulièrement heureux au terme de mon mandat, c’est d’avoir pu contribuer, sous l’impulsion  de Robert DE BAERDEMAEKER et avec l’aide de quelques confrères particulièrement compétents et motivés, à la conception d’un véritable Code de déontologie, qui devrait sortir incessamment. Il s’agira là, j’en suis sûr, d’un outil indispensable pour tous les avocats.

D’autres objectifs n’ont pu être atteints ; sans doute le seront-ils par mes successeurs.

En matière de formation, je distinguerai la formation initiale de la formation continue : pour ce qui est de la formation des stagiaires, je rêvais d’un système plus unifié, plus professionnel, plus efficient que celui qui avait cours, notamment en matière de formations à dispenser, de supports écrits, de méthodes d’interrogation et de cotation, … ;

je rêvais en fait d’un système à peu près similaire à celui que nos amis de l’OVB ont réussi à mettre sur pied ; je n’y suis pas arrivé.  Cela nécessite de vraies remises en question, un changement de mentalités et beaucoup de motivation. En quatre ans les choses ont malgré tout progressé mais le chantier reste vaste. Je suis  moins pessimiste que pouvait l’être mon prédécesseur André DELVAUX ; je fais confiance à Stéphane GOTHOT qui reprend ce flambeau et qui partage l’essentiel de mes vues pour promouvoir d’autres belles avancées. Comme on peut le voir, la formation initiale est affaire de liégeois…

En matière de formation continue, les choses étaient un peu plus simples. Le principe d’une obligation de se former de manière continue s’est progressivement imposé, même s’il rencontre encore de réelles réticences de la part de certains. Encore faut-il que cette obligation soit respectée et qu’un contrôle effectif soit opéré. Nous avons travaillé en ce sens mais il faut admettre que tout n’est pas encore parfait. Ici aussi, l’exemple de nos amis flamands devrait nous inspirer.

D’une manière plus générale, je voulais, en sollicitant ma désignation comme administrateur, œuvrer à la professionnalisation de nos structures ordinales. J’ai eu la chance de travailler sous la direction de deux excellents présidents, Luc-Pierre MARECHAL et Robert DE BAERDEMAKER. J’ai toujours été en phase avec leur conception de la profession, leurs objectifs et leurs méthodes. Mais, les pesanteurs sont lourdes et le barreau ne se caractérise pas par une grande capacité de se remettre en question ni même, malheureusement, par un dynamisme comparable à celui qui anime des professions que nous considérons comme concurrentes à la nôtre.

JPJ: Quels sont les faits les plus marquants de votre mandat (positifs ou négatifs) ?

PH: Sur le plan positif, permettez-moi de citer en premier l’excellent esprit qui anime l’institution et qui a, en toutes circonstances, présidé à nos travaux. Cela est dû à la personnalité des présidents et des administrateurs avec lesquels j’ai eu la chance de siéger et qui ont insufflé à l’équipe un esprit fait d’amitié, de confiance, de bonne humeur au service d’un travail rigoureux et ambitieux.

Les grands moments que j’ai connus et que je voudrais souligner sont la rénovation de notre procédure disciplinaire (qui fut réalisée avant que j’entre au conseil mais à laquelle j’avais activement participé), les combats menés pour défendre l’aide juridique et tenter d’en améliorer l’indemnisation, la confection ces derniers mois du projet de code de déontologie, etc…

Sur un plan plus négatif, je regrette que le Barreau soit si peu souvent capable de se remettre en question, d’être une force de proposition constructive, d’abandonner une attitude trop souvent défensive et de promouvoir des idées nouvelles et audacieuses. Je vois là un paradoxe : alors qu’individuellement, les avocats se signalent souvent par leur détermination –voire leur courage-  et leur imagination, collectivement ils m’apparaissent curieusement frileux quand il s’agit d’envisager des réformes structurelles importantes.

Ce qui m’inquiète également, c’est cette volonté de vouloir « tout faire » pour couvrir le plus grand nombre possible de parts de marché, marché dont nous sommes prêts à accepter tous les diktats, au risque, selon moi, de mettre en péril ce qui fait la spécificité de notre profession et qui lui vaut/valait une considération particulière de la part du pouvoir politique et du monde judiciaire.

JPJ: Quel regard critique portez-vous sur la fonction, le fonctionnement de l’OBFG et son rôle pour la profession ?

L’institution en tant que telle était indispensable, non seulement pour occuper la place désertée par le défunt Ordre national mais pour associer les forces des différents barreaux qui, isolés, ne pourraient rien dans le monde actuel. Ses représentants sont animés des meilleures intentions et, je crois pouvoir le dire, font « du bon boulot ». Les moyens –notamment financiers- sont cependant limités et la tâche dépasse parfois les capacités des « bénévoles » qui s’y consacrent.

Je porte un jugement très positif sur l’action menée par l’OBFG depuis sa création et je regrette souvent que cette action ne soit pas mieux connue de nos confrères. Les efforts de communication sont intenses mais, globalement, l’information passe mal.

Les confrères n’imaginent pas tout ce qui est fait pour eux, tant au niveau de l’OBFG qu’à celui des Ordres locaux, ou encore du CCBE. Mais il est bien connu que la critique est un art plus aisé à pratiquer que celui de l’action positive.

Je ne suis pas en train de dire que tout est parfait et que rien ne peut être amélioré ; mais, dans l’ensemble, j’estime que l’OBFG n’a pas à rougir de son action.

JPJ: Quelle est la place du Barreau de Liège au sein de l’OBFG ?

PH: Je suis heureux de pouvoir dire qu’elle est essentielle. Cela est dû à la qualité des Bâtonniers qui ont présidé à ses destinées ces dernières années : j’ai eu ainsi la chance de collaborer avec les Bâtonniers HENRY, GOTHOT et LEMMENS. Croyez-moi, « c’est du lourd » ; chacun dans leur genre a animé (et anime encore) les assemblées générales, se signalant par une connaissance irréprochable des dossiers, la préparation des assemblées, des interventions percutantes et pertinentes.

Cela est dû aussi –mais les deux sont sans doute liés- au travail qui est fait au sein des commissions liégeoises et du conseil de l’Ordre  dont le travail est souvent capital pour l’OBFG. On entend dire souvent que la création de l’OBFG a privé les ordres locaux de leur fonction et de leur importance. Cela n’est vrai que s’ils négligent de jouer le rôle important qui leur reste d’être des lieux de réflexion, de proposition, de travail de fond. Le barreau de Liège l’a compris ; demandez d’ailleurs aux conseillers de l’Ordre et aux membres des commissions s’ils ont le sentiment de n’avoir plus rien à faire…  

JPJ: Quels sont les rapports qu’entretiennent le CA avec l’AG de l’OBFG ? Les relations entre ces deux organes sont-elles toujours positives et/ou bonnes ?

PH: Sur le plan humain, les rapports sont excellents ; sur le plan fonctionnel, ce n’est pas toujours simple. Je regrette personnellement que les administrateurs, qui n’ont pas le droit de vote à l’assemblée, ne disposent pas de pouvoirs plus importants. Je pense que cela se justifierait au regard du travail de fond qu’ils effectuent au quotidien. La confiance manque parfois et les Bâtonniers (ainsi que les conseils de l’Ordre qu’ils représentent) me sont parfois apparus excessivement jaloux de leurs prérogatives et soucieux d’affirmer leur pouvoir face à un groupe qu’ils soupçonnaient de vouloir le leur ravir.

JPJ: Les positions du Barreau de Liège au sein de l’OBFG ne sont pas toujours suivies, en tant qu’administrateur « liégeois », avez-vous été mis en difficultés pour défendre votre point de vue ?

PH: Votre question semble sous-entendre que mon point de vue était nécessairement celui du Barreau de Liège ; tel ne fut pas nécessairement le cas et c’est très bien ainsi car je n ’ai, quant à moi,  jamais considéré que j’étais au conseil ou en commission pour défendre les positions du Barreau de Liège. Telle n’est pas ma conception de l’exercice de cette fonction. Selon moi, l’administrateur est à son poste pour défendre l’intérêt de tous les confrères et de la profession dans son ensemble ; sans doute, doit-il connaître les positions de son barreau et faire en sorte qu’elles soient connues et comprises ; mais sa liberté de les soutenir ou de les combattre est, à mon sens, entière.

JPJ: Un mandat d’administrateur représente plusieurs dizaines d’heures de travail au profit de la profession : ce type de mandat n’est-il dès lors réservé, en fait, qu’à des avocats appartenant à des grands cabinets où le coût de ce travail peut être aisément répercuté au sein de la structure ?

PH: Je peux en effet vous confirmer que la tâche est prenante et que, pour qui veut s’y investir pleinement, il faut être prêt à y consacrer du temps et de l’énergie. D’où le risque –car je considère que c’est un risque- que vous évoquez. Le problème est un peu le même que pour la fonction de bâtonnier. Il est souhaitable cependant que ces différentes fonctions ne soient pas réservées à une catégorie limitée d’avocats ; pour cela, il faudrait notamment que la charge soit correctement défrayée, ce qu’elle n’est pas actuellement. J’ai attiré la spéciale attention de l’assemblée générale sur ce point en sortant de charge mais je ne suis pas sûr d’avoir été entendu…

Sachez toutefois que plusieurs confrères issus de petites structures professionnelles voire de cabinets unipersonnels se sont pleinement investis comme administrateurs. C’est aussi une question d’organisation.

JPJ: Un conseil, une recommandation à votre successeur ?

Mon successeur, Stéphane GOTHOT, connaît bien la maison puisqu’il vient à peine de sortir de sa charge de bâtonnier ; il découvrira cependant l’envers du décor et je serai heureux d’entendre ses réactions. Il n’a pas besoin de beaucoup de conseils ou de recommandations. Une peut-être : ne jamais perdre de vue que nous n’exerçons cette fonction que pour et dans l’intérêt de tous nos confrères et que nous devons demeurer modestes face à l’ampleur et à la difficulté de la tâche. Mais, cela il le sait et n’a pas attendu que je le lui recommande…

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